
Publié le : 1 décembre 2019
Categorie(s) : Climapresse Nouvelles
Par Me Eloïsa Larochelle[1]
Bien qu’il ait toujours été de l’obligation de l’employeur de préserver la santé et la sécurité de ses employés et de prévenir les risques d’accidents du travail, la légalisation du cannabis en octobre 2018 a eu pour impact de sensibiliser plusieurs employeurs quant aux risques associés à la consommation de drogue et alcool en milieu de travail.
Sur un chantier de construction, des ajouts à la LSST sont venus préciser qu’un travailleur ne doit pas exécuter son travail lorsque ses facultés sont affaiblies, notamment par le cannabis,[2] et que l’employeur doit veiller à ce que le travailleur n’exécute pas son travail dans un tel état[3]. De plus, l’employeur et le maître d’œuvre peuvent être poursuivis au pénal et au criminel en lien avec le non-respect de leurs obligations en santé et sécurité[4].
Afin de respecter ses obligations en matière de santé et sécurité au travail, un employeur du milieu de la construction a tout intérêt à mettre en place, diffuser et rediffuser une politique de « Tolérance zéro » à l’égard des facultés affaiblies par les drogues ou l’alcool sur les lieux de travail. La politique adoptée doit être claire, non équivoque, portée à la connaissance des salariés et souvent réitérée.
Nous soulevons plus bas différents éléments auxquels un employeur devrait réfléchir pour établir le contenu d’une politique efficace :
« Tolérance zéro » signifie aucune trace de drogue et/ou alcool ou encore de médicaments dans l’organisme d’un employé, ayant pour effet d’altérer ses facultés pendant que celui-ci exerce les tâches habituelles de son travail;
Pour être valide, une politique doit être raisonnable : il doit donc y avoir un équilibre entre les obligations et les intérêts légitimes de l’employeur et les droits fondamentaux des employés tels que l’égalité, l’intégrité et la vie privée.
Pour assurer l’efficacité de la politique, des personnes doivent être responsables de la mise en œuvre de celle-ci. Ces personnes doivent être formées pour être en mesure de l’appliquer efficacement, notamment pour détecter les effets de la consommation de cannabis et savoir comment agir en cas de risque.
La dépendance à l’alcool ou aux drogues constitue un handicap en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne. Ainsi, face à un employé souffrant d’une dépendance prouvée, l’employeur doit appliquer les mesures d’accommodement qui s’imposent à moins qu’il ne soit en présence d’une contrainte excessive. L’employeur doit donner une chance à son employé de se réhabiliter et de reprendre sa capacité de travail.
En 2017, un arrêt important de la Cour suprême[5] est venu établir qu’il était possible d’exiger dans une Politique que l’employé dénonce sa dépendance. Dans cette affaire, l’employeur avait congédié un employé qui avait consommé de la cocaïne, même si celui-ci avait une dépendance. La Cour suprême a estimé que la sanction avait été imposée non pas en raison de la dépendance, mais bien en raison du défaut de l’employé de se conformer à la politique mise en place.
Il est important de se rappeler que l’employeur a l’obligation de veiller à la santé et à la sécurité de ses travailleurs. La consommation de cannabis fait partie des risques que l’employeur doit prendre en considération dans le cadre de la prévention des accidents du travail. Non seulement un défaut de respecter ses obligations en matière de santé et sécurité peut amener des incidents graves, mais l’employeur s’expose à des sanctions non négligeables.
[1]Avocate chez BMA Avocats inc.
[2] Article 49.1 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1.
[3] Article 51.2 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1.
[4] Article 219 du Code criminel, LRC 1985, c C-46
[5] Stewart c. Elk Valle.y Coal Corp, 2017 CSC 30
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