
Publié le : 1 décembre 2018
Categorie(s) : Climapresse Nouvelles
Par Audrey Robitaille, M.P., PA LEED, CIMA +
Site et bâtiments
Ce projet de restauration d’envergure (42 M$) du plus ancien monastère-hôpital en Amérique du Nord visait le regroupement des archives et collections des 12 monastères-hôpitaux fondés par les Augustines ainsi que l’accueil de particuliers souhaitant faire l’expérience du mode de vie des Augustines. Il impliquait la conversion des anciennes « cellules » en une soixantaine de chambres, l’aménagement d’une aire de restauration, d’une boutique, de salles pour événements, d’un musée, d’un centre d’archives et d’une réserve muséale. Le moderne vient aussi se marier à l’ancien par la construction d’un hall d’accueil et d’une passerelle. CIMA+ a été mandatée pour fournir les services d’ingénierie en mécanique et électricité pour la création de ce lieu de mémoire habité d’une superficie totale de près de 10 000 m².
La préservation de ce bâtiment d’exception a demandé un travail de réflexion en profondeur et un effort de créativité et d’adaptabilité hors du commun. Le résultat visé par le client ne pouvait s’atteindre par une approche et des solutions conventionnelles. Ce projet a été réalisé à l’inverse d’une conception standard pour arriver à une intégration parfaite.
Les contraintes électromécaniques devaient gouverner la conception
Quelques moments marquants de l’histoire du développement du site et de ses bâtiments
La philosophie première était de veiller à retrouver l’état le plus authentique possible. En matière d’ambiance, le bâtiment livré devait rester un monastère, mais être mis aux normes et offrir les notions de confort d’aujourd’hui. L’enveloppe existante, composée de murs de maçonnerie sans isolation et de fenêtres à double battant avec verre simple et cadrage de bois, devait être conservée. Toutes les interventions électromécaniques devaient être réversibles et invisibles. De plus, la nature même du Monastère des Augustines consiste à assurer la pérennité du patrimoine afin que les générations futures puissent connaître et jouir de ce précieux héritage. Le développement durable faisait donc partie des principes directeurs du projet.
Toute la tuyauterie et les gaines de ventilation servent de nourrice et alimentent les pièces individuellement | ©Clément Robitaille
En l’absence d’entre-plafonds, les combles ont été utilisés comme salle de mécanique pour permettre le passage des conduits à l’horizontale. Toute la tuyauterie et les gaines de ventilation servent de nourrice et alimentent chaque pièce individuellement. Très peu de gaines de ventilation ont été utilisées, il y en a seulement au niveau 5 et au sous-sol. Pour le reste du bâtiment, CIMA+ a développé des solutions très novatrices, comme l’utilisation de l’architecture comme conduits (foyers, escaliers) ou d’éléments de structure comme surface radiante froide ou chaude, selon la saison.
Réduction de la charge de chauffage et climatisation en se servant d’éléments de structure comme surfaces radiantes froides | ©Stéphane Groleau
Par exemple, la passerelle structurale dans le hall est munie d’un système de climatisation radiante qui permet de combattre la charge thermique d’un hall majestueux vitré de plus de 10 mètres de hauteur. Aucun appareil de rejet de chaleur ne pouvait être mis en toiture.
Création d’un environnement s’approchant des conditions muséales | ©Stéphane Groleau
Dans les salles d’exposition, un environnement s’approchant des conditions muséales a été créé. Il s’agissait là d’un grand défi, étant donné que l’enveloppe du bâtiment n’était pas modifiée et que les fenêtres à simple vitrage étaient conservées. Enfin, afin de conserver l’ambiance monastique, chaque source lumineuse a fait l’objet d’une étude pour assurer sa parfaite intégration.
Découverte des plus vieilles fondations de l’Amérique du Nord à l’emplacement prévu pour la salle de mécanique principale | © Clément Robitaille
Afin de respecter le caractère patrimonial du bâtiment, il s’avérait primordial de retenir les approches et les solutions les moins intrusives. Une collaboration très étroite avec l’architecte et les autres intervenants a permis de minimiser la démolition et maximiser la récupération d’éléments existants. Par exemple, plusieurs radiateurs en fonte ont été restaurés et convertis en chauffage électrique. Tous les éléments de parquet et de plafond qui devaient être enlevés pour permettre le passage de la tuyauterie et de la filerie ont été numérotés puis réinstallés.
De plus, le Monastère des Augustines faisant partie du patrimoine de l’UNESCO, chacune des modifications a dû être approuvée par le MICC. La conception a dû s’ajuster au fur et à mesure de l’avancement de la déconstruction des planchers, plafonds et murs. Lors de l’excavation, les plus vieilles fondations de l’Amérique du Nord ont été découvertes à l’emplacement prévu pour la salle de mécanique principale. Afin de permettre leur mise en valeur, un nouveau concept électromécanique complet a dû être refait.
Tous les systèmes électromécaniques étaient en fin de vie utile, il y avait présence d’amiante, notamment au niveau de la plomberie, et les bâtiments, en raison de leur âge, étaient très vulnérables aux incendies. Une grande vigilance était donc de mise, de même qu’une grande proactivité pour guider de façon adéquate et claire les gestes de l’entrepreneur. La proximité du lieu de résidence des sœurs (aile H), en plus du maintien de l’accès à certaines zones (notamment les lieux de prière), a également posé de nombreux défis pour la construction. Le projet impliquait aussi la séparation complexe des services électromécaniques du Monastère des Augustines et de l’Hôtel‑Dieu de Québec, alors que plus de 300 ans d’histoire liaient les deux édifices et que les opérations de l’hôpital devaient être maintenues en tout temps.
Maintien du point de rosée et des conditions favorisant la conservation des murs de maçonnerie | © Clément Robitaille
De plus, les conditions d’humidité relative du bâtiment devaient être maintenues de façon à préserver l’enveloppe architecturale et ne pas altérer la durabilité du bâtiment à long terme. Le point de rosée à l’intérieur des murs existants en maçonnerie devait donc être conservé, et ce, malgré l’ajout de climatisation et la transformation du mode de chauffage du bâtiment. De nombreuses études furent réalisées afin de ne pas altérer cette condition.
Optimisation du champ de géothermie pour réduire son empreinte et permettre la préservation d’un saule de plus de 300 ans | ©Clément Robitaille
Finalement, beaucoup d’énergie a été consacrée pour préserver un arbre ancestral (saule) présent dans la cour. Il est intimement lié à l’histoire des Augustines puisque sa plantation remonte à la construction du Monastère au 17e siècle et qu’il a été l’élément de base de beaucoup de médicaments fabriqués par les religieuses. Le champ de géothermie, situé sous le stationnement, a notamment été construit à angle pour réduire son empreinte et protéger cet arbre de plus de 300 ans.
Quelques données sur le projet
|
Le Monastère des Augustines a fait l’objet d’une optimisation énergétique très poussée. Plusieurs scénarios d’occupation
ont été réalisés et la composition du bâtiment (maçonnerie massive) a aussi été étudiée afin d’utiliser cette masse thermique. Une capacité de refroidissement de seulement 110 tonnes a pu être installée, alors qu’en conception traditionnelle elle aurait été de 225 tonnes.
Le bâtiment est chauffé et climatisé à 100 % par un système de géothermie (30 puits) qui maximise la récupération d’énergie. Le réchauffage de l’air neuf ainsi que le chauffage de l’enveloppe sont raccordés à un réseau central. L’eau chaude est produite par le réseau de géothermie et par des chaudières au gaz naturel et électriques fonctionnant en mode hors pointe. Le gaz naturel est utilisé pour le chauffage de l’eau domestique en raison des conditions hôtelières qui requièrent de grandes capacités de production. Des chaudières au gaz naturel sont aussi présentes dans un bâtiment voisin avec un lien qui permet d’assurer la redondance des équipements.
Utilisation des combles comme salle de mécanique | ©Clément Robitaille
La décentralisation des systèmes électromécaniques a été nécessaire afin de répondre aux besoins du client en matière de confort, car les vastes réseaux de conduits de ventilation sur chacun des étages ne pouvaient être intégrés. Ainsi, le bâtiment est chauffé et climatisé par un réseau de 140 ventilo-convecteurs couplé à un réseau hydraulique. Seul l’air frais a été acheminé dans les différents locaux.
Chaque ventilo-convecteur est raccordé individuellement aux nourrices principales localisées dans les combles. Ces convecteurs sont contrôlés par des soupapes à quatre voies et des thermostats sans fil, le but étant de réduire la complexité de contrôle. La majorité des ventilo-convecteurs furent installés dans des meubles existants convertis ou de nouveaux meubles de bois afin de maximiser l’intégration architecturale. Le réseau hydraulique est très efficace énergétiquement. Il permet la production d’eau de chauffage et d’eau refroidie pour la climatisation dans une seule salle de mécanique, ce qui facilite également l’entretien.
Certains secteurs demandaient un niveau de confort nécessitant la présence de climatisation. Celle‐ci est produite à l’aide de thermopompes centrales. Ce réseau de thermopompes est raccordé au champ de puits de géothermie localisé dans le Jardin (sous le stationnement). Le grand avantage d’une telle installation, en plus des économies, est le fait qu’aucun équipement de rejet de chaleur n’est visible à l’extérieur, permettant ainsi une parfaite intégration. La puissance de ce réseau permet de répondre à 100 % des besoins de climatisation et partiellement aux besoins de chauffage.
La ventilation requise pour l’ensemble de l’édifice a été réduite au minimum. Elle se fait principalement par déplacement. Le but de la ventilation minimale est d’assurer un taux d’oxygénation convenable et, du même coup, d’exercer un minimum de contrôle sur le maintien des conditions de température et d’humidité. Ainsi, l’air neuf admis est préchauffé et humidifié en hiver, et refroidi et déshumidifié en été. Le tout de telle sorte que la variation des conditions climatiques intérieures soit lente et plus stable sans toutefois obtenir des conditions semblables à des espaces 100 % climatisés.
Tous ces systèmes sont munis de roues thermiques dessiccantes afin de minimiser les besoins énergétiques.
Le Monastère des Augustines a été aménagé de façon à attirer une clientèle internationale en quête d’un lieu de ressourcement. Le Monastère des Augustines se veut un lieu ouvert à la diversité des cultures et des croyances, offrant une expérience de santé globale. Il est un organisme à but non lucratif s’autofinançant entre autres grâce à son restaurant haut de gamme. L’équipe de CIMA+ s’est dévouée à concevoir des systèmes électromécaniques permettant de réduire les frais énergétiques du bâtiment. Des économies annuelles de 647 000 kWh ont été constatées après un peu plus d’un an d’exploitation. Une subvention d’Hydro-Québec de près de 150 000 $ a aussi été obtenue. De plus, l’effet de la masse thermique naturelle du bâtiment s’est avéré efficace tel qu’anticipé.
Ce projet d’exception est le fruit d’une collaboration très étroite entre des ingénieurs en mécanique, électricité, structure et des architectes qui sont tous passionnés et expérimentés en bâtiments patrimoniaux.
Architecture : ABCP Ingénierie en mécanique et électricité : CIMA+ Ingénierie en structure et civil : WSP Gérant de construction : Pomerleau |
Ce projet représente l’héritage des Augustines qui se sont dévouées au soin des autres pendant près de quatre siècles. Pour créer un lieu de ressourcement et ainsi poursuivre leur mission, elles ont voulu ouvrir les portes de leur monastère fondateur et rendre accessibles leurs collections et archives. Comme souhaité, l’ambiance monastique a été préservée grâce à des systèmes électromécaniques invisibles et silencieux qui apportent un confort moderne dans un lieu empreint d’authenticité. Leurs reliques sont préservées et exposées. Le produit fini est très efficace énergétiquement, et les frais d’exploitation et d’entretien ont été minimisés.
Le résultat atteint par les ingénieurs en mécanique et électricité de CIMA+ est tout à fait unique. Il a notamment remporté en 2017 deux Grands prix du génie-conseil québécois, dans les catégories Visionnaire et Bâtiment — Mécanique et électricité.
Liste des commentaires