
Publié le : 1 juin 2017
Categorie(s) : Climapresse Nouvelles
Par Me Bruno Marcoux avec la collaboration de Me Eloïsa Larochelle
Le sous-traitant peut avoir droit à une hypothèque légale de la construction dans la mesure où il a dénoncé par écrit son sous-contrat au propriétaire. Il s’agit de la raison la plus connue pour procéder à la dénonciation.
Cependant, l’hypothèque légale est parfois impossible. C’est notamment le cas pour des immeubles appartenant à des personnes morales de droit public, tel que des villes ou des ministères, qui sont affectés à l’utilité publique[1]. Toutefois, même dans cette situation, la dénonciation peut s’avérer déterminante pour le sous-traitant qui désire être payé.
En effet, certains contrats prévoient que le donneur d’ouvrage doit retenir les sommes dues à l’entrepreneur tant que celui-ci ne lui a pas remis les quittances des sous-traitants qui ont dénoncé leur contrat. Le donneur d’ouvrage peut même s’être engagé à payer lui-même, dans certaines circonstances, les sous-traitants ayant dénoncé leur contrat et/ou leurs créances impayées. Il s’agit ainsi d’une protection supplémentaire que peut avoir le sous-traitant s’il dénonce son contrat. Cette protection peut être particulièrement intéressante, surtout dans les cas où il n’a pas droit à l’hypothèque légale.
Plus encore, le donneur d’ouvrage qui omet d’obtenir la quittance d’un sous-traitant avant de payer l’entrepreneur général alors que c’est prévu à son contrat s’expose potentiellement à une poursuite intentée directement par le sous-traitant. Ce type de recours a été présenté par la jurisprudence sous l’angle de la stipulation pour autrui et de la responsabilité extracontractuelle.
La stipulation pour autrui est prévue à l’article 1444 du Code civil du Québec (C.c.Q.) :
« On peut dans un contrat, stipuler en faveur d’un tiers. Cette stipulation confère au tiers bénéficiaire le droit d’exiger directement du promettant l’exécution de l’obligation promise. »
Tout dépendant de leur rédaction, les clauses de retenues contractuelles dans les contrats de construction ont parfois été reconnues comme des stipulations pour autrui donnant au sous-traitant un recours direct contre le propriétaire. Par exemple, dans la décision Jevco c. Québec (Procureure générale)[2], la Cour d’appel a déterminé qu’en raison du libellé des clauses, le Ministère des Transports du Québec s’était obligé à payer les sous-traitants qui avaient dûment dénoncé leur créance impayée.
En d’autres termes, cela veut dire que le promettant (le donneur d’ouvrage) qui s’engage envers le stipulant (l’entrepreneur général) à exécuter une obligation (payer) au bénéfice d’un tiers (le sous-traitant) donne le droit à ce tiers (le sous-traitant) d’exiger directement du promettant (le donneur d’ouvrage) l’exécution de l’obligation (paiement).
Pour être valide, la stipulation doit notamment avoir été acceptée et cette acceptation peut se manifester par la dénonciation du contrat de sous-traitance et/ou par la dénonciation du défaut de paiement de l’entrepreneur général. Lorsque certaines conditions sont prévues à cet effet dans les clauses du contrat, il est impératif de les respecter.
Par exemple, dans la décision Dumoulin et Associés réparations de béton ltée c. Centre intégré[3], le sous-traitant Dumoulin avait exécuté des travaux qui sont demeurés impayés par l’entrepreneur général Dinamar qui a fait faillite. Dumoulin poursuit donc directement le CIUSS pour sa créance impayée. Le Tribunal estime que la clause de retenue est une stipulation pour autrui donnant le droit à Dumoulin de poursuivre directement le CIUSS et qui lui aurait normalement permis d’être payé directement par celui-ci. Il rejette cependant la requête puisque la clause prévoyait également que pour être payé, le sous-traitant devait avoir dénoncé son contrat, ce que Dumoulin avait omis de faire.
Par ailleurs, même en l’absence des termes précis permettant de conclure à une stipulation pour autrui, le défaut du donneur d’ouvrage de retenir les sommes alors qu’il sait très bien que le sous-traitant ayant dénoncé son contrat n’a pas été payé par l’entrepreneur général peut engager sa responsabilité extracontractuelle.
En effet, dans la décision Isolation Morissette ltée c. Tuyau-Mec inc.[4], la Cour supérieure retient la responsabilité du donneur d’ouvrage pour avoir fait preuve de négligence et d’imprudence à l’égard du sous-traitant en disposant des fonds du projet sans avoir obtenu de quittance de sa part, alors qu’à sa connaissance, en raison de dénonciations, il n’avait pas été payé.
En bref, le sous-traitant qui désire être payé a avantage à dénoncer dès le départ son sous-contrat au propriétaire, même lorsqu’il n’y a pas de possibilité d’hypothèque légale et par la suite, à dénoncer sa créance impayée. En vertu de son contrat, le donneur d’ouvrage aura parfois l’obligation de retenir les sommes et pourra même s’être obligé à payer directement les sous-traitants.
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[1] Maçonnerie Demers inc. c. Agence Métropolitaine de Transport, 2004 CanLII 76649.
[2] 2015 QCCA 1034.
[3] 2015 QCCQ 11655.
[4] 2016 QCCS 718.
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